Découvrir l'engagement patient
On ne naît pas expert, on le devient.
Dans cet épisode, découvrez Mélanie, et comment le fait d’avoir été diagnostiquée d’un cancer durant sa grossesse l’a inspiré à vouloir changer les choses.
  • Résumé

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Le podcast Engagés / Les Patients en action présente des personnes qui, après ou pendant une maladie, créent des projets impactants comme des associations ou des start-ups. Dans cet épisode, Damien raconte son engagement après avoir surmonté une leucémie et avoir fondé l'association Aider à Aider. Il évoque les évolutions de l'engagement des patients, de simples témoins à des experts et partenaires des soins. Mélanie, cofondatrice de l'association Jeune et Rose, témoigne de son parcours et de ses projets pour sensibiliser sur le cancer du sein chez les jeunes femmes, notamment à travers des actions de médiation et de prévention.

On ne naît pas expert, on le devient.

Vous écoutez Engagés / Les Patients en action, le podcast qui vous fait découvrir ces personnes qui, après ou pendant une maladie, créent de vrais beaux projets comme des groupes de paroles, des associations ou encore des start-ups. Celles et ceux que l’on appelle patients experts, patients partenaires, patients engagés... Et qui font bouger les lignes ! Ce podcast fait partie du programme d'accompagnement en série Supporters. Supporters a pour vocation de faire évoluer la prise en charge du cancer et de soutenir patients et soignants autrement. Podcast réalisé par AMGEN et l'association Aider à Aider.

Habillage musical

Est-ce que vous avez déjà essayé d'expliquer qui vous étiez vraiment ? Avec toutes les nuances que cette question sous-entend ? Eh bien moi, pour l'état-civil, je suis Damien Dubois, 43 ans, né à Paris, marié, un enfant. Sur ma carte de visite, je suis consultant indépendant en communication pour faciliter le rapprochement des différents acteurs de santé et construire ensemble les nouveaux parcours de soins.

Pour ma famille, je suis le petit dernier de 4 enfants, né après 3 filles, avec une enfance et une adolescence classique... Jusqu'à mes 15 ans. Pour les médecins, je suis un ancien malade, qui a eu chaud, très chaud. Pour Marie-Anne, la femme que j'aime, je suis l'homme de sa vie, enfin J'espère. Notre mariage fut un engagement fort qui a obligé a une certaine introspection notamment en ce qui concerne notre projet parental car, à cause de mes traitements, je ne peux pas avoir d'enfant naturellement. Pour Raphaëlle, 1 an. Je suis son père. Une autre aventure, un autre engagement qui n'est pas le sujet du jour. Pour moi, je suis un peu tout ça : un papa, un mari et un petit frère aimant et aimé, un ancien malade guéri de sa leucémie mais qui sera suivi à vie, un responsable associatif, je suis un journaliste, je suis un communicant...

Et comme le dit Gabin, dans le film préféré de ma femme : les choses entrainent les choses... Le bidule crée le bidule... Il n'y a pas de hasard ! habillage musical - ambiance spéciale - on re rentre dans la narration Pendant les 15 premières années de mon engagement, je participais aux revendications pour que les patients ne soient pas sollicités uniquement comme témoins, mais aussi et surtout pour leur savoir, leur expérience, leur expertise Et cela, sans pour autant inciter à ce que tous les malades le deviennent. Tout le monde n'a pas envie ou besoin de s'engager.

Un jour, j'avais dessiné une sorte de pyramide de Maslow de l'engagement patient. La base était constituée de tous les malades. Et plus on montait, plus l'engagement s'accroissait. Et ce, qu'il prenne la forme de témoin, de bénévole, de représentant de patient, d'expert, de partenaire, de salarié, et moins il concernait de personnes. Ce n'est pas une hiérarchie ou un jugement. Juste le reflet de volonté Individuelle et tout fait respectable. En 1998, lors des Etats-Généraux des malades du cancer, l'engagement patient se concrétisait essentiellement par du bénévolat associatif, et ce dans beaucoup de pathologies. En 25 ans, ces engagements se sont diversifiés dans le fond et dans la forme : patients experts, formateurs, blogueurs, auteurs, représentants de patients, et même aujourd'hui start-upper...

Ils agissent à toutes les étapes de la prise en soin, de la recherche, des soins de support en tant que bénévoles associatifs ou électrons libres, salariés, entrepreneurs, et même parfois un mix de tout cela. Je l'ai vécu dans le domaine du cancer et l'ai constaté pour de nombreuses pathologies. Pour autant, j'ai pu d'abord jeter un regard dubitatif quand les premiers diplômés d'université des patients ont revendiqué un statut, une profession, un salaire. Après Jeunes Solidarité Cancer et d'autres aventures associatives et les Patients s'engagent, j'ai fondé avec d'autres, Aider à Aider, pour valoriser et accompagner les nombreuses associations de patients en cancéro. Savez-vous combien il en existe en France ? Parmi les patients engagés de la plateforme Les Patients s'engagent, on retrouve encore beaucoup d'associatifs. Le renouvellement est tel qu'il faut toujours chercher les nouvelles initiatives. Voix off. On entend la voix de Damien qui tape des requêtes « accompagnement malade cancer "association soin malades oncologie »

Après quelques minutes, je tombe sur Jeune et Rose, une structure cofondée par Mélanie, qui a connu la combinaison d'un cancer du sein et d'une grossesse à 31 ans. Mon intuition me dicte de la contacter pour la rencontrer. Elle me propose que l'on prenne un thé en fin de journée, le 20 juin, dans un espace de coworking où elle travaillait parfois quand elle se rendait à Paris, proche de République. Après lui avoir expliqué l'enquête que je menais depuis quelques semaines, je lui ai livré mes pensées.

Habillage spécifique

Damien : La diversité et la complémentarité des initiatives font aujourd'hui des patients engagés des partenaires incontournables des autres acteurs de santé, et ceci à tous les niveaux de la prise en soins et de l'accompagnement des malades. Mais plusieurs questions me viennent en tête. Par exemple, tous ces modèles d'engagement sont plus ou moins bénévoles, plus ou moins intéressés, plus ou moins éthiques. À mon goût, ils nécessitent en tout cas une réflexion. Qu'est-ce que tu en penses ?

Mélanie : Oui, je pense qu'il faut être au clair avec sa propre histoire, avant de s'engager sur ce chemin de patient partenaire, et savoir déjà ce qu'on a envie de livrer, quelle mission on a envie de se donner, et ça permet déjà de voir dans quelle direction on veut partir. Et peut-être justement de répondre à toutes ces questions d'éthique, avant même qu'elles se posent.

C'est déjà savoir soi-même d'où on vient, où on va. Et du coup, de réfléchir à son positionnement, aux structures desquelles on s'entoure pour faire ce que ce qu'on souhaite faire. Pour moi, il y a plusieurs métiers dans le métier de patient partenaire ça englobe plusieurs choses. On peut être patient partenaire en accompagnement, mais on peut aussi etre patient partenaire par exemple dans tout ce qui est sensibilisation, ce qui est un peu plus mon chemin. Sensibilisation, prévention.

Donc c'est le savoir expérientiel, c'est l'expérience de vie qui amène à cet endroit-là Mais moi, ma façon de m'engager, ça va être plutôt de livrer un message de sensibilisation, de prévention, de médiation

Damien : Et comment il se construit cet engagement, justement, ce positionnement ?

Mélanie : II s'est construit parce que j'arrive du milieu associatif. Déjà avant d'être tombée malade et d'avoir vécu un cancer, je travaillais dans le milieu associatif. Donc pour moi, c'était tout à fait logique en fait de me mobiliser à travers la vie associative Donc j'ai rencontré une autre patiente qui avait aussi envie de se lancer dans cette démarche. Et on s'est rendu compte qu'en ayant un cancer à 30 ans, pendant une période de grossesse et d'allaitement, que c'étaient des sujets qui étaient peu évoqués. Et donc, tout d'abord, on a décidé toutes les deux de s'allier et de fonder l'association Jeune et Rose et de mettre sur la table le sujet du cancer pendant la grossesse. Ça a commencé comme ça.

Puis ça s'est élargi autour du cancer chez les femmes jeunes, les femmes entre 25 et 45 ans. Quelles sont leurs problématiques particulières, qu'est-ce qui se passe, de quoi elles manquent comme information, qu'est-ce qu'on peut partager, nous, de notre vécu, que ce soit avec les patientes ou que ce soit avec les professionnels de santé Et puis, toujours en élargissant un peu plus, se rendre compte que le cancer du sein, on en parle beaucoup à partir de 50 ans, avec le dépistage organisé, mais qu'avant ça, cest un sujet qui est peu évoqué et que, par exemple, on parle, pas dù tout du cancer du sein aux jeunes, aux étudiants. Et donc ça, c'est tout ça cest un cheminement qui s'est fait sur plusieurs années et ça a donné lieu toutes ces réflexions, à trois grands axes, trois grands projets

Le projet Les Tétonnantes, qui est vraiment le partage d'expériences et le soutien entre pairs donc entre les anciennes et les nouvelles patientes. Le projet Alerte Rose, qui est plus un projet de médiation à destination des professionnels de santé.

Donc on va intervenir dans des facs de médecine en tant que patients partenaires, dans des écoles de sages-femmes aussi beaucoup. Et le dernier projet qui est le Télététon, donc, de façon humoristique et décalée, qui est un projet de sensibilisation des jeunes à l'auto-examen qui repose sur l'éducation pour la santé et on essaye d'aller dans les lycées, les missions locales, mais aussi au contact des publics vulnérables pour leur passer ces messages de prévention, de sensibilisation, qui s'appuient vraiment entièrement sur notre vécu

Damien : Tu es assez présente sur les réseaux. Dans tout cet écosystème de l'engagement patient aujourd'hui, est-ce que tu as l'impression de voir des modèles émerger ? Des modèles d'engagement qui pourraient être plus stables ? Un métier qui est en train de se définir, un champ professionnel qui est en train de se définir ?

Mélanie : Oui, c'est sûr qu'il y a plus de lisibilité du métier de patient partenaire parce qu'il y a beaucoup de travail de médiation qui a été fait autour de ces métiers. Donc ça commence à se préciser, à être plus clair aussi pour les professionnels de santé. Il y a les différents DUs, les différentes formations qui permettent aussi de de donner de la cohérence, une visibilité à ce qu'on fait. Mais je trouve que ça reste quand même assez opaque encore pour le grand public. Donc il y a encore beaucoup de travail à faire je pense pour apporter de la clarté à ce métier, le faire connaître et le faire connaître, encore une fois dans toutes ses perspectives, dans tous ses champs Voilà, ce n'est pas uniquement pour moi stricto sensu, dans le cadre de l'écosystème de santé, ça peut aller au-delà, ça peut aller dans la ville, ça peut aller dans ta cité Je pense que les patients peuvent s'engager dans un champ encore plus large que ce qui est le cas aujourd'hui.

Damien : Et dans tous ces modèles, tu penses qu'il y en a un qui va émerger un peu plus que les autres ?

Mélanie : A priori ce que j'aperçois sur le terrain, ce qui me semble se dessiner, c'est quand même le modèle des patients partenaires, qui sont inclus dans le parcours de soins, donc dans les instituts de prise en charge de cancer par exemple, et surtout en cancéro pour l'instant, qu'on voit beaucoup. A priori, c'est ce modèle-la qui me semble émerger le plus, donc celui d'avoir un patient partenaire, qui est vraiment aux côtés, main dans la main, avec l'équipe médicale dès le début de la prise en charge, et qui va avoir une présence, un accompagnement sur l'éducation thérapeutique, sur le rétablissement, sur l'accompagnement pendant le parcours, sur l'après cancer, etc. Donc pour moi, c'est pour l'instant ce métier qui émerge le plus, que l'on voit le plus se stabiliser. Il y a de plus en plus de structures médicales qui font appel à des patients partenaires dans ce cadre-là donc de l'accompagnement patient, de l'accompagnement parcours patient en cancérologie. Donc j'ai l'impression que ça tend à se développer

Damien : Un autre constat qu'on a fait beaucoup dans le monde associatif, le monde de l'engagement patient de manière générale, c'est un besoin émergeant d'éthique, de déontologie. Est-ce que tu penses qu'une démarche déontologique est en train de se construire ou va se construire ? Est ce qu'il faut une charte comme certains des patients qu'on a interrogés sur la plateforme nous l'ont dit, une fédération au-delà de 360 qui lui, est uniquement sur le champ de la représentation des patients. Est-ce que tu penses qu'on va aller vers plus de déontologie de l'engagement patient ? Est-ce que c'est nécessaire

Mélanie : Alors oui et non. D'un côté, oui, parce que pour une question de légitimité. Et peut-être pour une question de lecture de ce métier qui est encore méconnu, peut-être qu'effectivement une charte ou une fédération serait aidante, pourrait nous aider à faire connaître ces métiers, ou ces formes d'engagement auprès du grand public, avec un cadre qui permettrait de comprendre un peu mieux le contexte de ce qu'on fait.

D'un autre côté, le risque d'une fédération ou d'un regroupement, c'est le risque d'englobement. Et du coup, de noyer un peu chaque initiative dans quelque chose de global, et de perdre peut-être un peu nos unicités, nos spécificités, et cetera. Il y a aussi le risque, selon moi, qu'il y ait une surreprésentation des patient partenaires en cancérologie et que du coup, les patients partenaires qui sont investi dans d'autres pathologies soient un peu noyés dans la fédération, et qu'il y a vraiment les patients partenaires en cancérologie qui soient très présents. Et donc que ça devienne finalement, que ça prenne un petit peu le pas sur les autres pathologies représentées par les patients partenaires. Donc c'est quelque chose qui me questionne en tout cas, et auquel je pense qu'il faut réfléchir tous ensemble et je pense nourrir ces réflexions collectivement. Après, il y a d'autres, d'autres façons de se fédérer ou de s'unir qui sont, par exemple, ce qui est ce qui est ce qui peut se passer sur Les Patients S'engagent. On regarde les engagements des uns et des autres, ça peut être inspirant. Moi, quand j'avais fait l'échange, on avait beaucoup discuté de ça. Du fait qu'effectivement, on va chercher dans les expériences des autres ce qui peut manquer dans la nôtre pour trouver des ressources. Et à chaque fois qu'on se croise sur des boards ou des des groupes de travail, à chaque fois on est amenés à se rencontrer. On a besoin en tout cas de se fédérer quand même, parce que c'est des métiers nouveaux, parce que souvent on est seul dans notre activité au quotidien. Et voilà. Donc ça, c'est quand même hyper riche de pouvoir échanger avec d'autres personnes qui font, qui ont ces formes d'engagement là, qui ont ces métiers-là, qui sont nouveaux et qui vont comprendre nos problématiques au quotidien et peut être y apporter des réponses parce qu'ils sont dans ce métier depuis un peu plus longtemps et qu'ils ont traversé peut-être les mêmes difficultés de légitimité, les mêmes questionnements à y répondre. Donc se fédérer, ça peut aider quand même.

Damien : De mon côté, si je vais à la rencontre des patients qui se mobilisent, c'est d'abord pour les remercier d'agir pour une cause plus large que leur maladie que leur cas, pour comprendre comment ils en sont venus la et comment ils agissent et font avancer le schmilblick. Et imaginer comment d'autres personnes qui veulent s'engager peuvent en apprendre, comment l'écosystème dans sa globalité peut en bénéficier. Je ne sais pas si c'est aussi ton point de vue. Si tu partages ce point de vue ?

Mélanie : Complètement, complètement. C'est vrai que c'est toujours riche de rencontrer des personnes qui partagent cette envie d'aller au-delà de leur histoire personnelle pour aller vers quelque chose de l'ordre du collectif. Et puis voilà qui ont cette envie de oui, d'aider ou de transformer et de faire avancer les choses. Effectivement, et nous, on dit souvent de donner des réponses là où on a eu beaucoup de questions auxquelles on n'a pas trouvé de réponse. Et c'est souvent ça. C'est souvent de la que nait l'engagement. Cest se dire j'ai eu plein de questions, j'ai eu plein de manquements dans mon parcours. Et plutôt que de m'apitoyer sur mon sort ou de le déplorer seulement, essayer de réfléchir à des solutions et des axes, des pistes d'amélioration et d'apporter ma petite pierre à l'édifice

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