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Résumé
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Transcription
Le podcast suit Hélène, infirmière coordinatrice en oncologie, qui assure le lien entre patients, soignants et hôpital. Son rôle inclut la gestion des urgences, l’éducation thérapeutique et le soutien psychologique. Elle coordonne les soins pour garantir une prise en charge fluide et humaine. Malgré l’émotion et la pression, elle reste engagée pour offrir un accompagnement rassurant aux patients et à leurs proches.
Vis ma vie de soignant c’est la série de podcasts qui donne la parole aux soignantes et aux soignants ! Dans cette première saison, vous allez partir à la rencontre de radiothérapeutes, préparatrices en pharmacie hospitalière, infirmières coordinatrices, kinésithérapeutes, pour découvrir et écouter leur quotidien avec des patients atteints de cancer. Ce podcast fait partie du programme d’accompagnement en série Supporters. Supporters a pour vocation de faire évoluer la prise en charge du cancer et de soutenir patients et soignants autrement. Ce podcast a été réalisé par Amgen et l’association La compagnie pourquoi se lever le matin.
Pierre (aidant et journaliste) : Dix jours plus tard, je suis revenu à l’hôpital, pour m’entretenir avec Hélène, infirmière coordinatrice. Dès la première séance du traitement, mon épouse et moi avions rencontré Hélène. Elle était venue se présenter alors que nous attendions dans une chambre de l’hôpital de jour les produits de chimiothérapie. Je me souviens de l’entrée de cette femme vive, en alerte, prête à écouter et à répondre à la moindre inquiétude. La radiothérapie devait suivre dans un délai de quelques heures. Nous savions que ce serait un traitement lourd. Hélène nous l’avait rappelé mais elle avait tout de suite ajouté qu’elle serait joignable dès que nous verrions apparaître les premiers effets indésirables. Son nom et son numéro de téléphone figuraient sur la première page du classeur qu’on nous avait remis au secrétariat. Par la suite, mon épouse, ne s’est pas privée de l’appeler lorsqu’elle ne savait plus comment calmer les brûlures des rayons. A chaque fois, elle a donné ses conseils et a relayé l’information auprès du radiothérapeute oncologue. Plus tard, j’ai reconnu le visage d’Hélène parmi les portraits des soignants souriants, accrochés au mur du couloir. Ça donnait l’impression d’une haie d’honneur. Un peu comme si nous étions attendus. Nous nous sommes donc installés dans une salle de réunion un peu anonyme. Je rallumais mon dictaphone et lui posais ma première question. Chère Hélène, merci de m’accueillir et de prendre le temps de répondre à mes questions. Quel est votre rôle au sein de cette équipe ? Qu’est-ce qu’une infirmière coordinatrice ?
Hélène (infirmière coordinatrice) : Coordinatrice… c’est un bien grand mot ! Les gens pensent que la coordinatrice s’occupe de tout et qu’elle connait les dossiers de tous les patients. Les missions qui nous sont confiées sont bien définies. Une de ces missions est d’être un lien entre les patients, la structure et le domicile, de répondre aux questions des patients qui appellent, pour signaler un problème, informer de leur situation ou même pour demander une hospitalisation. Une autre mission est de coordonner les soins de la structure vers le domicile, en collaboration avec les différents intervenants médicaux et paramédicaux de la structure et du domicile : pharmacien de ville, infirmiers libéraux et, bien sûr, le médecin généraliste. Dans ce cadre, une de nos priorités est de faire en sorte que les généralistes s’impliquent dans le traitement de leurs patients atteints de cancer, ils connaissent tout de ce que leurs patients traversent. Dès qu’un de ses patients reçoit, par exemple, une alimentation par voie parentérale, c'est-à-dire par transfusion, à domicile, j’envoie à son médecin un courrier l’informant que l’on va assurer le suivi de cette forme de traitement et que l’on est joignable en cas de besoin. Par ailleurs, je mets en place un partenariat qui déchargera le médecin de toute l’installation assez technique au domicile du patient mais qui le rendra destinataire du compte-rendu de l’oncologue après chaque consultation, ainsi que d’une évaluation sur l’évolution de la maladie. Mettre le médecin généraliste dans la boucle est la moindre des choses, mais ne garantit pas qu’il saura apporter les réponses adéquates aux problèmes de son patient si cela concerne la maladie cancéreuse et de ce fait l’oncologue restera le référent…. Je contacte aussi les pharmaciens de ville que je connais pour la plupart, au moins par téléphone, parce que je les ai rencontrés dans le cadre du réseau de cancérologie. Le pharmacien commande et délivre les médicaments (par exemple les antalgiques, les antibiotiques par voie intraveineuse, les traitements pour éviter les nausées…) mais il n’a généralement pas, dans son officine, tout le matériel nécessaire à la mise en place des soins de support. Après réception des ordonnances il sous-traite avec un prestataire pour l’obtenir en temps et en heure. Les prestataires disposent d’infirmières, qui interviennent au domicile des patients pour installer les perfusions et le matériel et former les infirmiers libéraux. Par ailleurs, la plupart du temps, ce sont les diététiciens du prestataire qui évaluent les besoins nutritionnels des patients à domicile en fonction de la prise ou de la perte de poids. Ainsi, la règlementation prévoit que le prestataire se rende au domicile du patient 14 jours après la mise en place, puis une fois par mois et qu’il transmette ses comptes rendus à la fois à l’oncologue référent, au médecin généraliste et à l’infirmière coordinatrice qui assure le lien entre l’institution et le domicile.
Pierre (aidant et journaliste) : Si je comprends bien, Hélène, vous vous trouvez au carrefour entre l’hôpital, les médecins de ville, la famille et les patients. Il y a largement de quoi être débordée. Comment faites vous, même à distance, pour ne jamais laisser un patient sans solution ? Est-ce que vous avez un exemple à me donner ?
Hélène (infirmière coordinatrice) : Tôt ce matin, je reçois un appel d’un monsieur qui m’explique que la chimiothérapie qu’il reçoit à domicile lui a déclenché une forte réaction cutanée au visage. Depuis mon bureau je dois alors imaginer ce dont il s’agit en fonction de sa thérapie, et comprendre, en reprenant les consultations précédentes, si cette toxicité est nouvelle ou pas. À partir de là, je demande au patient de m’envoyer une photo afin que je puisse constater son état. Je connais les effets secondaires liés à son traitement, mais tant que je n’ai pas vu les lésions, je ne peux pas savoir de quoi il s’agit. En général, après mes différentes constatations, je demande l’avis de l’oncologue référent. Cela lui arrive de fixer un nouveau rendez-vous ou même d’arrêter le traitement. Je peux aussi diriger le patient vers son médecin généraliste et recommander d’éviter un savon trop agressif et d’utiliser les cosmétiques adaptés. Cette fois-là j’ai faxé une ordonnance à la pharmacie pour une crème adaptée au problème cutané. Le patient attend une explication mais je n’en ai pas toujours. Quand, par exemple, quelqu’un m’appelle pour une douleur abdominale, je pose toute une série de questions : « Mangez-vous bien, avec appétit ? Avez-vous un transit normal et régulier ? Avez-vous mangé quelque chose qui aurait pu vous déranger ?......» Je traite et synthétise un peu parmi les informations que je peux recueillir. Mais, par téléphone, je ne peux guère en savoir plus sur une douleur abdominale, il faut absolument une auscultation de l’abdomen. Si le cas s’avère inquiétant, l’oncologue peut décider de voir le patient l’après-midi-même, si son emploi du temps lui permet. L’important est de tranquilliser le patient, de l’assurer que sa demande a été prise en compte et lui apporter la certitude que l’on fera le maximum pour y répondre. En attendant un rendez-vous en urgence, je peux essayer d’atténuer cette douleur abdominale en passant en revue les médicaments qu’il a à sa disposition. « Prenez l’antispasmodique qui est dans votre armoire à pharmacie… » Hier, une patiente, très gênée pour respirer, m’a appelée pour me dire qu’elle n’en pouvait plus. Avec la secrétaire et le service de pneumologie, nous avons fait en sorte que la priorité soit réévaluée par rapport à d’autres patients qui se trouvaient sur la liste d’attente… Une heure trente plus tard, la dame subissait une ponction pleurale. Elle a laissé un message pour nous remercier. J’avais fait ce qu’il fallait pour la soulager. Là, j’ai éprouvé la satisfaction d’avoir fait au mieux pour elle. Dans tous les cas, il s’agit d’être clair vis-à-vis des personnels de la clinique de manière à ce qu’ils aient les bons éléments d’appréciation. D’autre part, je dois faire très attention à ce que je dis au patient. Il ne faut pas accentuer son anxiété mais le convaincre d’accepter mes conseils. Ce n’est pas toujours facile parce que je n’ai pas les gens en face de moi.
Pierre (aidant et journaliste) : Dans les cas d’hospitalisation à domicile, comment se fait le lien entre l’hôpital et les soignants extérieurs à la structure hospitalière ?
Hélène (infirmière coordinatrice) : Depuis 15 ans que je suis sur ce poste, je connais presque toutes les infirmières habilitées, car c’est souvent moi-même et ma collègue qui leur dispensons des formations qui permettent d’actualiser leurs compétences en oncologie. Quand je les contacte pour qu’elles prennent en charge un patient à domicile, je m’assure que leur charge de travail leur permet de le faire de manière optimale. En effet, si les soins sont parfois légers, ils sont souvent très lourds et nécessitent alors entre un et trois passages par jour. Le bon déroulement des soins à domicile dépend de la qualité du partenariat entre tous les acteurs : infirmière libérale, médecin généraliste, pharmacien qui tous peuvent m’appeler à tout moment à mon poste de travail. Le bon déroulement des prises en charge à domicile dépend également du partenariat avec les différents intervenants de la structure ; il est essentiel dans la prise en charge des patients, en amont des sorties et dans le suivi. C’est pourquoi un lien avec toute cette équipe pluridisciplinaire - diététiciens, assistantes sociales, infirmières et aides-soignantes des services - est primordiale pour ensuite transmettre aux intervenants du domicile.
Pierre (aidant et journaliste) : Mon épouse a reçu un traitement standard. A l’annonce du protocole de soins, nous avions été reçus par une manipulatrice en radiothérapie qui nous avait détaillé les différentes phases de la préparation et des séances elles-mêmes. Elle nous avait montré des photos de la machine et nous avait communiqué toutes sortes d’informations. On avait senti que tout était prévu, balisé. « Comment décririez-vous vos différentes missions ? Vous êtes d’une aide précieuse aux patients dans la compréhension de leur prise en charge mais votre rôle est bien plus complexe que ça. »
Hélène (infirmière coordinatrice) : Lorsque l’oncologue a prescrit une thérapie ciblée qui nécessite le recours à des médicaments spécifiques, ma mission est de reprendre avec les patients les modalités de prise du traitement et les éventuels effets secondaires, en insistant sur des conseils pour les limiter. Je leur remets un livret de suivi réalisé par le laboratoire ou par les infirmières coordinatrices, en partenariat avec les médecins. Cet outil permet aux patients de bien observer leur traitement et de ne pas se sentir démunis lorsqu’ils sont chez eux. J’appelle ces patients une fois par semaine pendant les deux ou trois premiers mois de leur traitement pour m’assurer que tout se passe bien, vérifier qu’ils ne sont pas sujets à des effets secondaires. S’ils sont fatigués, ou s’ils ont besoin d’être hospitalisés, c’est moi ou ma collègue qu’ils appellent dans la majeure partie du temps. Une autre de mes missions est de rencontrer et d’informer systématiquement les patients qui commencent un nouveau traitement de chimiothérapie en hôpital de jour et qui rentrent à leur domicile munis d’un système de perfusion ambulatoire, qu’on appelle un diffuseur. Je leur explique le principe de fonctionnement de l’appareil et je les rassure : ils vont être surveillés par un infirmier libéral pendant 48 heures ou 96 heures suivant le protocole. C’est aussi le moment de récapituler les conseils concernant l’alimentation et de parler des possibles effets secondaires. Parfois c’est moi qui appelle les infirmiers libéraux afin de faire le lien et de les informer du stade de la prise en charge. Dans le cadre de ma énième mission, je participe, en équipe, trois à quatre fois par an, aux programmes d’éducation thérapeutique auprès des patientes atteintes d’un cancer du sein, soignées par hormonothérapie. Ce dispositif est déjà bien établi, et tourne depuis deux ans. Ces patientes doivent prendre un comprimé tous les jours pendant 5 ans. L’objectif de l’éducation thérapeutique est de les inciter à bien suivre ce traitement. Cette prise quotidienne peut paraître anodine. En réalité il s’agit d’un suivi lourd parce qu’il peut entraîner beaucoup d’effets secondaires. L’enjeu est de montrer à quel point ce traitement est important. Au cours des deux premiers ateliers collectifs, les patientes échangent entre elles pour mieux connaitre la maladie, son traitement et ses effets secondaires. Un troisième atelier est focalisé sur le vécu autour de la maladie : son ressenti, les rapports avec la famille, l’entourage, ce que le cancer modifie dans la vie au quotidien. Le dernier atelier, reprend les trois précédents mais est destiné aux conjoints. L’idée est d’expliquer à ces derniers à quoi servent les médicaments, quels sont leurs effets secondaires et qu’est-ce que le traitement chamboule dans la vie de leur compagne. Après les différents ateliers, les dames vont bénéficier d’1h30 de conseils de la part d’un professeur d’activité physique adaptée, d’un diététicien ou d’une sophrologue. Et pendant que les conjoints participent au quatrième atelier, les dames sont prises en charge par des socio-esthéticiennes qui leur apprennent à prendre soin d’elles. Nous sommes en train de réaliser un deuxième programme d’éducation thérapeutique du patient autour des thérapies ciblées. Je suis aussi référente en informatique. Dès qu’il y a une nouvelle molécule, je suis chargée, avec les secrétaires, de rédiger l’ordonnance préétablie de façon à ce que l’oncologue passe plus de temps avec les patients et moins sur l’ordinateur.
Pierre (aidant et journaliste) : Vous intervenez souvent au téléphone, depuis votre bureau, derrière votre ordinateur. Pourtant, on sent bien que les patients sont présents dans votre esprit, avec leurs difficultés, leurs souffrances, leurs espoirs… Comment vivez-vous cette situation ?
Hélène (infirmière coordinatrice) : C’est vrai que je ne suis pas toujours en contact direct avec les patients dont je m’occupe. Mais, comme ma collègue, j’ai besoin de relationnel, je veux voir et entendre les gens.
C’est pourquoi, dès que je peux, je vais à leur rencontre. Ou bien j’essaie de me présenter lors d’une consultation pour qu’au moins, les patients me voient et mettent un visage sur mon nom et sur ma fonction. En toute circonstance, j’essaie d’être le plus réactive possible. J’ai peu de répit dans mes journées. Mais j’ai des limites qui me sont imposées par la multiplicité des tâches et des situations … Cela fait 29 ans que je travaille en cancérologie en ayant changé 3 fois de service et de fonction. On me dit parfois que dans des services comme celui de la cancérologie, les infirmiers ont des carapaces car ils sont confrontés à la douleur, à la souffrance et à la mort au quotidien. Je n’en suis pas sûre. Parce que, pour ma part, j’ai partagé la souffrance de certains patients, j’ai eu de la peine avec leurs familles. Alors, oui, souvent j’essaie de mettre de la « distance » pour ne pas me faire submerger pas mes émotions. Ce qui parfois est plus difficile, même si cela arrive rarement, c’est quand des patients me mènent la vie dure alors que je fais le maximum pour eux. Cela m’arrive de me faire raccrocher au nez ou injurier. Je comprends que c’est un moyen d’évacuer leur colère face à la maladie. Heureusement, ce genre de réaction est exceptionnelle et n’annule pas les marques de gratitude que je peux recevoir quotidiennement. Le week-end dernier j’ai fait tout ce que j’ai pu pour hospitaliser un monsieur qui n’était pas bien. Sa femme a laissé un message pour me remercier alors que son mari, malheureusement, était décédé. Nous ne pouvons pas oublier que les patients sont des êtres humains face à nous, avec leur fragilité, leur souffrance, leur désarroi et leur personnalité ; ce ne sont pas des numéros. Lorsque l’on fait ce métier on ne peut pas être insensible à la détresse, à cette maladie dont chaque étape est toujours difficile. Mon rôle est de permettre à chaque patient de passer toutes les étapes dont celle de l’annonce, des traitements, des effets secondaires, des douleurs physiques ou psychologiques dans les meilleures conditions. Je ne me protège pas, je fais comme je le sens, comme je le pense, en espérant répondre au mieux à leurs demandes et en étant la plus empathique possible.
Pierre (aidant et journaliste) : Hélène est rappelée au téléphone par un patient. J’en profite pour clore l’entretien. En sortant de la salle de réunion, je me suis retrouvé dans le couloir de l’étage d’hospitalisation complète. Là où se croisent les visiteurs, les soignants en blanc, les agents de service. C’est une animation à la fois paisible et vigilante.
La mission d’Hélène est de faire en sorte que toutes les compétences agissent de manière harmonieuse pour que les patients affrontent la maladie avec confiance. C’est elle qui, tout au long du protocole de soins, va agir pour que les patients se sentent accompagnés, qu’ils soient tranquillisés. Je sors de cette entrevue rassuré, détendu, comme ma femme l’avait été suite à ses entretiens avec Hélène, des années auparavant. Le service d’oncologie, c’est une équipe. Et ça se sent.