Souhaitez-vous quitter le site ?
Vous allez quitter le site www.cancer-supporters.fr et être redirigé vers un site externe. Amgen France n'est pas responsable du contenu présent sur ce site.
-
Résumé
-
Transcription
Dans ce podcast, Pierre, aidant et journaliste, rencontre Julie, kinésithérapeute en oncologie, pour discuter de son rôle auprès des patients atteints de cancer. Julie explique comment elle aide les malades à conserver leur autonomie, même dans des moments difficiles, en travaillant sur les gestes quotidiens comme se lever ou marcher. Elle souligne l’importance de l’accompagnement psychologique et physique, ajustant ses interventions en fonction de l’état du patient. Le travail d’équipe est essentiel dans ce milieu, où la communication entre soignants et patients est primordiale pour offrir confort et soutien.
Vis ma vie de soignant c’est la série de podcasts qui donne la parole aux soignantes et aux soignants ! Dans cette première saison, vous allez partir à la rencontre de radiothérapeutes, préparatrices en pharmacie hospitalière, infirmières coordinatrices, kinésithérapeutes, pour découvrir et écouter leur quotidien avec des patients atteints de cancer. Ce podcast fait partie du programme d’accompagnement en série Supporters. Supporters a pour vocation de faire évoluer la prise en charge du cancer et de soutenir patients et soignants autrement. Ce podcast a été réalisé par Amgen et l’association La compagnie pourquoi se lever le matin.
Pierre (aidant et journaliste) : Après avoir obtenu le témoignage d’Hélène, je m’apprêtais à partir quand j’ai croisé Julie dans le couloir, la kinésithérapeute qui avait soulagé mon épouse de multiples douleurs. Oui, le premier traitement avait bien fonctionné. Malheureusement, après une heureuse période de rémission, ça a été la récidive. Nouveau traitement. Hospitalisation. Entre aggravations et améliorations, Julie, la kinésithérapeute, a été là pour aider mon épouse à respirer, puis à détendre ses membres, à faire quelques pas hors du lit, puis jusqu’à la porte de la chambre, puis dans les couloirs… jusque dans les escaliers… Bien campée devant moi, Julie a l’allure décidée, le sourire bienveillant. Je lui ai demandé si elle pouvait m’octroyer un peu de son temps dans sa matinée chargée. Elle a accepté, avec un clin d’œil chaleureux, de me consacrer son temps de repos au salon des familles, un local aménagé au bout du couloir à l’intention des accompagnants. Il y a là une machine à café, un frigo, des fauteuils, les journaux du jour, une bibliothèque. A l’heure dite, on s’est installé confortablement. J’ai posé ma besace et installé mon enregistreur sur la table au milieu des bruits des différentes discussions et de la machine à café. D’autres accompagnants et patients qui étaient présents à ce moment-là l’ont reconnue. Il y a eu des échanges de regard, des sourires complices. Dans un service d’oncologie, la kinésithérapie n’est certes pas le centre du dispositif thérapeutique, pourtant, les soins que les kinés prodiguent sont essentiels. Patients et accompagnants le savent. Julie, quelles sont les bases de votre métier, votre quotidien, dans un centre où les patients sont amenés à être affaibli par les traitements ?
Julie (kinésithérapeute) : Se lever, aller aux toilettes ou prendre une douche : ce sont des petites choses anodines auxquelles les bien-portants ne prêtent pas attention. Mais les gestes de la vie quotidienne sont d’une grande importance pour une personne malade. Maintenir ces gestes élémentaires valorise le malade qui n’est plus, alors, condamné à rester au fond de son lit : il retrouve des activités qui le rapprochent un peu de la normalité. Ne seraient-ce que quelques pas dans le couloir le font sortir un petit peu du contexte de la maladie. Quand les patients sont capables de marcher, je leur dis très souvent : « Quand la famille vous rend visite, l'après-midi, allez faire un petit tour ». Même si c’est en fauteuil roulant pour aller à la cafétéria, il est important qu’ils sortent du cadre de la chambre, symbole de la maladie et de l'hospitalisation. Mes prises en charge de kinésithérapie ne se cantonnent donc pas à des actes techniques médicaux. J’essaye de voir ce que je peux apporter à la personne pour améliorer son quotidien, aussi bien physiquement que psychologiquement, afin qu’elle conserve - dans la mesure du possible - une activité normale. J'interviens toujours le matin, dans la chambre. Éventuellement dans le couloir lorsque les personnes ont suffisamment d'autonomie et de force pour marcher. Quelquefois on peut même aller dans les escaliers, de manière à faire travailler un petit peu plus. En oncologie, je n'amène jamais les patients jusqu’en salle de rééducation, les prises en charges sont trop courtes. Un quart d’heure c’est déjà beaucoup pour des personnes fatiguées et fatigables. Il est important de ne pas gâcher leur journée en les épuisant inutilement. Je propose, j’essaye mais je n’insiste pas si je vois que c'est trop douloureux. J'explique, selon la localisation de la douleur, comment se lever en essayant d’effectuer les transferts - les changements de position - avec le maximum de confort. C'est du travail par tâtonnements, par ressenti, où il faut être très à l'écoute. Mon rôle est aussi de stimuler. Mais si c'est peine perdue, je ne vais pas plus loin. Une séance faite contre le gré du patient n’apporterait rien. Il y a des jours où il n’est pas en état d’effectuer les efforts que je demande : il sort de chimio, il va subir des examens, ou on vient de lui faire une annonce un petit peu compliquée… Certains malades veulent qu'on leur dise clairement les choses qui concernent la gravité de leur maladie, d’autres ne veulent ou ne peuvent pas les entendre. Ça se comprend, c'est difficile d’accepter une situation qui empire. Je pense à un patient dont on savait qu’il ne pourrait pas guérir mais qui ne pouvait pas l’accepter. Il nous demandait énormément de choses qu’on savait impossibles. Par exemple, une personne atteinte de métastases au niveau de la moelle épinière perd en partie la motricité et la sensibilité de ses jambes. Je sais qu'il sera difficile de les récupérer. Mais je dois amener cette information avec délicatesse et tact. Surtout si elle est encore dans l'idée de marcher, de se mettre debout. C'est compliqué.
Pierre (aidant et journaliste) : Vous savez, en tant que kiné, et moi, en tant qu’accompagnant, combien l’annonce du diagnostic est difficile. Du côté du patient, j’ai vu mon épouse rester silencieuse, presque rassurante : elle redoutait de m’alarmer, elle refusait la souffrance qu’elle allait infliger à ses proches. Lors de l’annonce du protocole par le médecin radiothérapeute, ses défenses ont cédé. Les larmes ont coulé en silence sur son visage. Il fallait accepter cette douleur-là pour entrer dans de la lucidité et être capable de prendre les armes pour combattre. Il me semble clair que, dès le début de la maladie, chaque patient a à l’esprit la menace vitale que la tumeur fait peser sur lui. Le plus difficile est de l’entendre dire par un soignant ; puis de continuer, quand une aggravation devient évidente, parfois irrémédiable, de croire qu’il y a encore quelque chose à faire, que la vie, en définitive, doit être la plus forte dans l’instant. Quel est votre rôle dans le cheminement de cette prise de conscience ? »
Julie (kinésithérapeute) : Le plus difficile est effectivement l’annonce du pronostic au patient, mais ce n’est pas moi qui gère cela. Je viens après le médecin qui s’en est chargé, et qui m’a dit comment il a expliqué les choses. De mon côté, je vais aller dans le même sens que le médecin, essayer de trouver les mots pour que ça fasse son chemin petit à petit dans la tête du patient. Je commence par lui expliquer la situation : il se passe ça, qui entraîne telle chose sur le plan médical. J’essaye, en fonction de la personne que j’ai en face de moi, d'avoir des mots bien compréhensibles, de lui présenter toutes les possibilités. L’état de santé des personnes dont je m'occupe suit une courbe en « montagnes russes » : ça va bien, ça descend, ça remonte...Chez certains patients, la dégradation est progressive. Je constate les petites choses qu’elles ont de plus en plus de difficultés à faire. Tel patient qui pouvait marcher ne peut plus, ou marche de moins en moins. Il fatigue davantage. Il doit faire demi-tour plus vite. C'est plus dur, pour lui, de se lever, de sortir du lit. Les aides-soignantes ont davantage de difficultés pour faire sa toilette. A ce moment-là, mon travail est d’assurer son confort. Je laisse alors de côté la revalidation et la stimulation, qui sont les objectifs de mon métier de kiné. Lorsque le malade n’est plus capable de répondre physiquement, je passe aux massages, aux mobilisations dans le lit pour que le patient se sente un petit peu mieux. Et puis je reste à parler de la pluie et du beau temps… Cela peut m’arriver d’être un peu sur la corde raide : être réaliste face à la situation tout en gardant espoir. D’autant plus que je peux me tromper, penser que ce malade ne va pas récupérer alors qu’en fin de compte il y aura de l'amélioration. Il ne faut donc pas fermer les portes dès le départ. Ensuite, au fil des jours, je vois dans quel sens ça évolue. Qu’il s’agisse de revalidation ou de soins de fin de vie, en oncologie, c'est l’apport de confort qui prime. On s'est rendu compte, en effet, que plus les gens étaient immobilisés, plus ils développaient des complications. L'immobilisation peut aussi entraîner des douleurs. Il est donc important que les gens puissent bouger. Ça facilite aussi le travail des aides-soignantes et des infirmières qui peuvent lever le patient pour lui donner sa douche, l’aider à se rendre aux toilettes. C’est un peu différent des prises en charge que je réalise en chirurgie. Les gestes, les principes sont les mêmes. Dans les deux cas, je fais attention à la douleur de chacun, à ses possibilités. Mais en chirurgie, je suis un peu plus dans la stimulation, je suis plus directive. Dans le service d’hospitalisation complète, en oncologie, il faut s'adapter, y aller en douceur pour obtenir, dans les gestes de la vie de tous les jours, des améliorations qui profitent aussi bien au patient qu'à l'équipe
Pierre (aidant et journaliste) : A propos d’équipe, mon épouse et moi-même avons toujours été frappés par la complicité qu’il y a entre tous les membres du service oncologie. Médecins, infirmiers et infirmières, aides-soignants, agents de service, tous se sont toujours montrés attentifs vis-à-vis de mon épouse comme ils se sont toujours montrés attentifs les uns vis-à-vis des autres. Il y a de la connivence, la communication passe. Ma femme était toujours admirative que le moindre intervenant connaisse son dossier. J’imagine que l’organisation de l’hôpital permet un bon suivi de chaque patient. Comment se passe la synchronisation avec les autres intervenants, soignants ?
Julie (kinésithérapeute) : Le travail d'équipe est très important ici. Si l'équipe estime qu'il y a besoin d'une prise en charge kiné, ou que l’on pourrait faire un peu de revitalisation avec une personne alitée depuis longtemps, elle en parle au médecin qui prescrit sur la base des observations de tous. Les aides-soignantes, en particulier, ont un rôle primordial. Les infirmières, le médecin ou moi-même, passons ponctuellement dans les chambres pour des gestes techniques. Elles font les toilettes, elles approchent les personnes jusque dans leur intimité, ce sont les mieux à même de percevoir les signes de mal-être, de détérioration, qui peuvent appeler des soins de kinésithérapie. On travaille vraiment tous ensemble. Les équipes m'apportent les informations dont j'ai besoin pour mes prises en charge. En retour, je leur explique ce que je fais avec les patients. Parce que ça peut aussi les aider dans leur travail. En général je vois les membres de l’équipe le matin, dans leur salle ou dans le couloir où y a beaucoup de passage, où l’on se croise, où circulent aussi les informations. Ça nous permet d'échanger rapidement et plus facilement que dans les chambres. Quand j'arrive, je vais voir l'infirmière pour faire rapidement la liste des personnes dont je vais m’occuper. Quel est leur état de santé ? Tel ou tel patient a-t-il changé par rapport à la dernière fois ? Son état s’est-il amélioré ou a-t-il empiré ? Ensuite, je fais mes prises en charge, puis je vais la revoir pour la tenir au courant : « Ça s'est bien passé, rien de particulier », où : « Il y a eu ça comme difficulté, ou ça comme amélioration ». On échange sur la manière dont l'équipe peut tirer profit des progrès que j'obtiens. Par exemple, lorsqu'un patient réussit à se remettre debout progressivement en commençant par s'asseoir au bord de son lit, cela permet de mieux faire une partie de sa toilette ou de servir ses repas plus confortablement. Quand il réussira à faire quelques pas, il pourra se déplacer jusqu'au cabinet de toilette pour les soins d'hygiène. Ici, toutes les personnes de l'équipe sont capables d'arrêter ce qu'elles sont en train de faire pour vous écouter et répondre à vos questions. J’ai trouvé ça fantastique quand je suis arrivée dans le service et que j’avais besoin de demander pas mal de choses. Je pense que les familles bénéficient de la même attention. On échange beaucoup et on se soutient les uns les autres parce qu’il nous arrive à tous d’être particulièrement touchés par les patients que nous approchons de si près. Même si on essaie de se faire une carapace, de mettre un petit peu de distance, d'avoir un œil professionnel, c'est compliqué. Alors, retrouver l'équipe, avoir le regard de personnes qui ont un peu plus d’expérience, est une aide précieuse. Vous n'êtes plus seule à porter ça, c'est rassurant de se dire que vos collègues vivent la même chose que vous.
Pierre (aidant et journaliste) : J’ai trouvé que de terminer sur ces derniers mots était une bonne conclusion à notre entrevue. Travailler en équipe, partager, s’informer, vivre les évènements ensemble est nécessaire pour chaque soignant et bénéfique pour les patients. Mais, dans un service d’oncologie cette nécessité se fait impérieuse parce que l’enjeu de vie devient tout à coup crucial. Dans ces circonstances, j’ai vu, auprès de mon épouse, que les techniques thérapeutiques ne peuvent suffire. Il faut de l’humain, la chaleur de la communication, les petits gestes du quotidien. Alors, quand Julie, la kiné, est venue assouplir la peau attaquée par les rayons, redonner un peu de motricité, délier les raideurs, aider mon épouse à respirer, jour après jour, c’était donner de l’espoir à la vie. Jusqu’au bout… Nous avons repris un dernier petit café avec mon dictaphone éteint. Nous l’avons savouré en silence dans le soleil qui baignait le salon des familles. Julie est repartie vers les patients qui attendent d’elle un peu de soulagement, la perspective de quelques pas et l’espoir de retrouver les forces dont les a privés la maladie.