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Résumé
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Transcription
"Vis ma vie de soignant" est un podcast qui donne la parole aux professionnels de santé. Cette première saison plonge dans le quotidien des soignants accompagnant les patients atteints de cancer : radiothérapeutes, préparateurs en pharmacie hospitalière, infirmiers, kinésithérapeutes…
Pierre, journaliste et ancien aidant, recueille ces témoignages pour rendre hommage à ceux qui œuvrent souvent dans l’ombre. À travers ses rencontres, il dévoile le rôle essentiel et l'engagement des soignants, comme Marine, préparatrice en pharmacie, qui fabrique des chimiothérapies sur-mesure, avec rigueur et émotion. Ce podcast met en lumière leur humanité, leur technicité et leur impact sur les patients.
Vis ma vie de soignant c’est la série de podcasts qui donne la parole aux soignantes et aux soignants ! Dans cette première saison, vous allez partir à la rencontre de radiothérapeutes, préparatrices en pharmacie hospitalière, infirmières coordinatrices, kinésithérapeutes, pour découvrir et écouter leur quotidien avec des patients atteints de cancer. Ce podcast fait partie du programme d’accompagnement en série Supporters. Supporters a pour vocation de faire évoluer la prise en charge du cancer et de soutenir patients et soignants autrement. Ce podcast a été réalisé par Amgen et l’association La compagnie pourquoi se lever le matin.
Pierre (aidant et journaliste) : La semaine suivante, j’ai eu rendez-vous avec Marine, préparatrice à la pharmacie hospitalière. Cette pharmacie est un organe essentiel de l’hôpital. C’est de là que proviennent tous les médicaments qui sont administrés aux patients de l’établissement. J’étais curieux de connaitre l’envers du décor, de comprendre l’organisation. Je voulais comprendre qui sont ces personnes qui élaborent les préparations de chimiothérapie qui avaient perfusé, goutte à goutte, à travers le port à cathéter de ma femme. Marine m’attendait à l’entrée de la pharmacie, une sorte d’entresol situé loin de tout, à l’arrière des bâtiments. Bonjour Marine, je suis souvent venu dans cet hôpital pour accompagner mon épouse qui était prise en charge en oncologie. J’ignorais alors que les produits thérapeutiques qui lui étaient administrés étaient préparés ici. Je souhaiterais mettre en avant votre rôle. Pouvez-vous m’expliquer ce qu’il se passe dans cette salle blanche, sécurisée, à laquelle peu de personnes ont accès ?
Marine (préparatrice en pharmacie hospitalière) : Ici, on fait du sur-mesure. Et on le fait au fur et à mesure. Quand je prépare une chimiothérapie, je sais qu’il y a un patient dans une salle d’attente et que ça n’est pas une partie de plaisir pour lui. Donc j’établis des priorités. Par exemple, si un patient a une prescription pour cinq médicaments, je démarre par le premier puis je m’attaque à la première molécule d’un autre patient, pour que chaque traitement puisse commencer. Après quoi, je préparerai la première prescription pour faire la suite. C’est une organisation compliquée pour les préparatrices qui débutent, mais j’ai appris par où commencer et sur quoi me focaliser pour optimiser l’attente des patients. C’est une question d’expérience. Dans la pharmacie centrale du centre, je ne rencontre jamais les patients. Je connais leur histoire, mais pas leur visage. Il y en a que je suis depuis longtemps, comme cette dame dont je vois le nom sur des étiquettes depuis 17 ans. Elle, je l’avais rencontrée quand nous étions encore à la polyclinique de l’Océan. J’aimais bien voir les gens. Ici ça me manque. Là-bas, les locaux étaient beaucoup plus petits, les patients étaient perfusés dans des box où ils avaient moins d'intimité. Maintenant, ils ont des chambres individuelles, spacieuses. Les comptes rendus de traitement des patients sont confidentiels. Seuls les pharmaciens y ont accès, pas les préparatrices. Nous n’avons aucun retour. Parfois, on voit sur le planning qu’une personne est décédée. Quand c’est quelqu’un dont on préparait les perfusions depuis des mois, voire des années, et que ça n’a pas marché, cet échec est une tristesse. Je me souviens de cette dame qu'on avait suivie pendant plusieurs mois et qui a décidé de se marier avec son compagnon. Le jour de son mariage, elle n'était pas capable de se rendre à la cérémonie. On l’a mariée sur son lit d'hôpital. Toute la noce est venue dans le service. Il y avait du champagne, des ballons. Elle a mis sa robe de mariée. Elle est décédée peu après, dans un autre établissement. Cette histoire m’a bouleversée.
Pierre (aidant et journaliste) : Cette histoire est extrêmement touchante. On pourrait imaginer qu’être loin des patients vous protège des souffrances qu’ils endurent. Mais chacune des chimios sur lesquelles vous travaillez est destinée à une personne qui souffre d’une pathologie spécifique et qui, en plus d’avoir un nom et une date de naissance, a aussi une histoire, des rêves, des envies… Comment vivez-vous cette situation ?
Marine (préparatrice en pharmacie hospitalière) : Quand je quitte l'hôpital le soir, je prends mon chien et je vais marcher sur la plage. Ça me donne le sas dont j’ai besoin. Je trouve qu'il y a de plus en plus de jeunes patients et ça fait peur. Quand je vois qu’un dossier vient du service de pédiatrie de l’hôpital, ou quand je lis la date de naissance d’un enfant, je fais sa préparation en priorité. Actuellement nous avons un petit de quatre ans en traitement. Ce n’est peut-être pas juste pour les patients adultes, mais on est encore davantage aux petits soins pour les enfants. On demande toujours l’heure à laquelle ils doivent arriver à l’hôpital, pour que leurs préparations soient prêtes, qu’ils n’aient pas à attendre. Il nous arrive aussi de lire sur l'étiquette d’une préparation le nom de quelqu'un que l’on connaît. Quelle émotion ! Depuis que nous sommes arrivés au sein de cet hôpital, je ne fais que des chimiothérapies, dans ce qu’on appelle la « salle blanche ». C’est un lieu très sécurisé, avec des règles strictes.
Pas de maquillage, pas de bijou, on ne mange pas, on ne boit pas, personne d’autre n’entre dans cet espace clos. Et surtout, on se contrôle. Nous travaillons toujours par deux : une qui est sous la hotte et une qui prépare les plateaux. Cette dernière apporte le principe actif pur, c’est-à-dire la molécule qui possède l’effet thérapeutique, qui sera dilué dans une poche de solvant, glucose ou chlorure de sodium. Le volume mis dans la poche, le produit, le lot : tout est vérifié une fois, deux fois, trois fois, avant que la poche parte au pharmacien qui la contrôle également. Si on a un doute, il faut jeter. Heureusement, ça ne m’est jamais arrivé en vingt ans. Je communique souvent avec le pharmacien. Je l’ai encore appelé ce matin à propos d’une molécule que l’on utilise depuis peu. J’avais un doute sur le volume du solvant. Même si c’est une question bête, je préfère la poser. Le travail en « salle blanche » exige une rigueur et une vigilance que l’investissement et la mobilisation de tous ne font que renforcer. C’est complètement un travail d’équipe. Quand on arrive le matin, on se dit bonjour, on parle un peu. Mais ensuite, on ne peut pas se permettre de discuter, parce qu'il faut vraiment rester très concentré sur ce qu'on fait. Quand nous ne sommes pas dans la salle blanche, mes deux collègues référentes et moi-même devons gérer notre stock. Chaque produit qui entre en salle blanche est tracé : date de péremption, lot, dénomination. Toutes les semaines, on fait l’inventaire, les réceptions, on met de côté les très rares produits périmés. En début de mois, en fonction du planning et des protocoles, on commande tous nos produits. Nous avons 4 semaines de stock, ce qui représente une très grosse enveloppe de principe actif. Ces produits sont très onéreux, on fait donc de très grosses commandes.
Pierre (aidant et journaliste) : En dehors de ne pas voir les différents patients, les interactions entre préparatrices sont très limitées, car elles doivent être très vigilantes, et rester concentrées. Quelles sont les précautions que vous devez prendre ?
Marine (préparatrice en pharmacie hospitalière) : Les produits que nous manipulons peuvent nous exposer à des risques. Pour nous protéger, nous travaillons sous une hotte à flux laminaire : un courant d’air vertical qui capte et recycle l’air de la hotte. Je porte aussi un masque sur le visage et un double gant chirurgical pour éviter l'imprégnation de produit. Toutes les vingt minutes je change de gants et je me désinfecte les mains. Cela garantit aussi l’asepsie, c’est-à-dire empêcher la contamination par des bactéries, parasites, des surfaces, zones, préparations, pour les patients qui vont recevoir les préparations. De plus, nous avons maintenant les spikes : des dispositifs sans aiguilles pour prélever les produits. Nous en consommons beaucoup. C’est plus cher que les seringues à aiguilles mais la commission du médicament du centre a validé leur utilisation. Ce système sécurise la fabrication, nous évite de nous piquer, et nous facilite le travail. Pour certaines molécules, il fallait secouer le flacon pendant vingt-cinq à trente minutes. A force de faire tous ces mouvements répétitifs, j’ai eu le syndrome du canal carpien au poignet. Maintenant, on dissout la poudre et la petite machine agite les flacons. La clinique nous suit sur des projets qui coûtent cher et elle nous octroie des moyens. L’après-midi, nous préparons pour des patients qui ont reçu le matin leur premier jour de traitement, leur J1. Comme cela, dès 8h30 le lendemain, on envoie tout dans le service. Le patient arrive, l’infirmière s’occupe de lui, il a tout de suite sa préparation. L’informatique a généré les prescriptions des jours suivants, J2 et J3. J’ai connu le système papier et je trouve que l’informatique est franchement préférable. Il faut certes valider sur l’ordinateur toutes les petites tâches réalisées, mais ça déclenche automatiquement les cures et tout le monde peut suivre les étapes. Quand le médecin valide le « OK chimio », l’ordinateur affiche « demandé ». Si la ligne est bleue, je sais que le pharmacien a vérifié en amont. Malgré cela, je vérifie toujours nom, prénom et date de naissance du patient, ainsi que le protocole. A ce moment, la ligne passe à « en cours de préparation ». Ainsi, l’infirmière peut voir sur son écran où nous en sommes. Quand j’ai terminé, je mets la préparation en « dispensé ». L’infirmière sait que la poche ne va pas tarder à arriver dans le service. Si je n’ai pas validé le « dispensé », l’infirmière m’appelle parce qu’elle ne peut pas administrer la préparation. Avec les infirmières, nous avons eu des partages d’expériences, des « vis ma vie » qui permettent de comprendre nos contraintes respectives. En général, les patients acceptent que l’on soit présente avec l’infirmière, ils sont même contents de mettre un visage sur une préparation. En échange, quand les infirmières viennent à la pharmacie, elles se rendent compte que certaines préparations se font en dix minutes mais que d’autres molécules peuvent demander vingt à trente minutes. S’il est nécessaire par exemple de les mettre dans un bloc chauffant, la hotte est indisponible pendant une demi-heure. En cas de grosse activité, il faut donc que l'autre hotte puisse absorber le reste. L’important est que le processus de fabrication reste fluide, pour ne pas faire attendre les patients. C’est peut-être une petite goutte d'eau, mais nous faisons le maximum pour que tout se passe au mieux pour celles et ceux qui reçoivent les traitements.
Pierre (aidant et journaliste) : Merci Marine. Les contacts avec les patients vous manquent. Je peux vous dire aussi que mon épouse aurait été heureuse de voir qui préparait les médicaments qui la soignaient depuis l’autre bout du bâtiment. Maryse était une femme joyeuse et optimiste. Elle adorait le contact avec les autres et les échanges. Je suis venu en son nom pour vous rencontrer. J’ai laissé Marine retourner à ses préparations pour d’autres patients sans visage. Et je suis ressorti par les arrières de l’hôpital. Après avoir contourné les bâtiments, j’ai retrouvé la façade principale et son portique qui m’ont été si familiers. Au premier étage se trouve l’hôpital de jour où mon épouse recevait ses perfusions de chimiothérapie. Au troisième, je me rappelle des chambres de l’hospitalisation complète du service d’oncologie. Les couloirs, les salles de service, les bureaux, tout cet hôpital vivait et vit encore de la sollicitude des personnels qu’on voit, mais aussi de tous ceux qu’on ne voit pas.